par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
La rupture du contrat de mission conclu sans terme précis avant la réalisation de son objet s’analyse en une rupture anticipée, quand bien même elle intervient après la durée minimale prévue au contrat, de sorte que l’entreprise de travail temporaire doit proposer un nouveau contrat prenant effet dans un délai maximum de 3 jours ouvrables (Cass. soc. 13 avril 2023 n° 21-23.920 FS-B, X. c/ Sté Randstad).
De par le caractère temporaire du contrat de mission, sa rupture anticipée est encadrée par un régime juridique qui lui est propre.
Le Code du travail distingue les règles applicables selon que la rupture anticipée du contrat de mission intervient à l’initiative de l’entreprise de travail temporaire (C. trav. art. L 1251-26) ou à l’initiative du salarié temporaire (C. trav. art. L 1251-28).
Dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 13 avril 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de licéité de la rupture anticipée du contrat de mission par l’entreprise de travail temporaire lorsqu’il est conclu sans terme précis.
Une salariée avait été engagée par un contrat de mission conclu le 30 mai 2015 avec l’entreprise de travail temporaire en qualité de technicien logistique, pour pourvoir au remplacement d’une salariée absente. Le contrat avait été conclu sans terme précis et comportait, par conséquent, une durée minimale courant jusqu’au 26 juin 2015. C’est à cette date, c’est-à-dire, à l’expiration de la durée minimale prévue au contrat, que la relation contractuelle avait pris fin, à l’initiative de l’entreprise de travail temporaire. La salariée avait alors saisi le Conseil de Prud'hommes d’une demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat, dirigée à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire.
La rupture du contrat de mission sans terme précis à l’expiration de la durée minimale constitue une rupture anticipée…
Comme pour le CDD (C. trav. art. L 1242-7), le principe posé par le Code du travail selon lequel le contrat de mission comporte un terme fixé avec précision dès la conclusion du contrat de mise à disposition n’exclut pas la faculté de conclure des contrats sans terme précis. Ainsi, l’article L 1251-11 du Code du travail permet la conclusion d’un contrat de mission sans terme précis dans un certain nombre de cas limitativement énumérés parmi lesquels figure, notamment, le remplacement d’un salarié absent. Le contrat de mission est alors conclu pour une durée minimale et a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée (ou la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu).
La chambre sociale juge, d’abord, qu’il résultait des constatations des juges du fond que le contrat de mission avait été rompu à la fin de la durée minimale, alors que son terme, à savoir la fin de l’absence de la salariée remplacée, n’était pas survenu.
Elle confirme ainsi que la rupture du contrat de mission conclu sans terme précis avant la fin de l’absence de la personne remplacée ou la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu s’analyse en une rupture anticipée du contrat quand bien même elle intervient après l’expiration de la période minimale prévue au contrat.
La Cour de cassation s’est déjà prononcée en ce sens concernant un contrat à durée déterminée (Cass. soc. 10-6-2003 no 01-42.650 F-D ; Cass. soc. 15-10-2014 no 13-18.582 FS-PB : RJS 1/15 no 9).
… qui engage la responsabilité de l’entreprise d'intérim lorsqu’elle ne propose pas de nouveau contrat au salarié
Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat, les juges du fond avaient notamment retenu que la responsabilité de l’entreprise de travail temporaire ne pouvait être recherchée qu’au regard des obligations qui sont mises à sa charge par les articles L 1251-16 et L 1251-17 du Code du travail, relatifs aux mentions obligatoires du contrat de mission et au délai dans lequel il doit être transmis au salarié. Aucune irrégularité n’ayant été commise par l’entreprise de travail temporaire dans l’établissement et la transmission du contrat, ils en déduisaient que la salariée ne pouvait rechercher sa responsabilité.
Autrement dit, pour les juges du fond, seule la responsabilité de l’entreprise utilisatrice aurait pu être recherchée. On relèvera en effet que l’article L 1251-40 du Code du travail prévoit que le salarié temporaire peut faire valoir auprès de cette entreprise les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission lorsqu’elle a recours à ses services en méconnaissance (entre autres) des dispositions de l’article L 1251-11 du Code du travail.
La Cour de cassation rejette le raisonnement des juges du fond et casse l’arrêt d’appel. Elle rappelle les dispositions de l’article L 1251-26 du Code du travail, selon lesquelles l’entreprise de travail temporaire qui rompt le contrat de mission du salarié avant le terme prévu au contrat lui propose, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de 3 jours ouvrables.
Or en l’espèce, comme le relève la Cour de Cassation, la cour d’appel avait constaté qu’il n’avait pas été proposé à la salariée un nouveau contrat de mission prenant effet dans le délai maximum prévu par le texte. L’entreprise de travail temporaire était donc redevable en application de l’article L 1251-16 précité d’une rémunération équivalente à celle que la salariée aurait perçue jusqu’au terme du contrat, y compris l’indemnité de fin de mission.
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