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Votre Avocat en droit du travail à Paris vous propose une sélection de décisions récentes de la Cour de Cassation rendues en matière de droit du travail.
Exécution du contrat de travail
• Pour que la mise à pied ait un caractère conservatoire, il faut que la procédure disciplinaire soit engagée de manière concomitante. La mise à pied prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire. Lorsqu’elle est excessive, la mise à pied conservatoire constitue en réalité une sanction. En l’espèce, le délai de 7 jours séparant la mise à pied de l’engagement de la procédure de licenciement s’explique par la nécessité dans laquelle s’est trouvé l’employeur de procéder à des investigations et de recueillir des témoignages écrits en raison de la nature des faits reprochés à un salarié qui n’était, jusqu’à ce jour, pas connu pour de tels manquements à l’autorité. Dans de telles circonstances, l’employeur a engagé dans un délai raisonnable la procédure de licenciement après notification d’une mise à pied conservatoire. Par ailleurs, ne présente pas un caractère excessif la mise à pied conservatoire ayant duré plus de 3 mois en raison, d’une part, de la demande de report de l’entretien préalable formée par le salarié et, d’autre part, des circonstances particulières liées à la crise sanitaire, au confinement mis en place sur le territoire métropolitain du 17 mars au 11 mai 2020 avec interdiction totale de déplacement sauf motif impérieux ou exceptionnel. Si le salarié soutient que l’employeur aurait pu organiser l’entretien préalable en distanciel, il ne produit pas d’élément relatif à sa faisabilité technique et légale, ce dernier ayant en outre, dès l’origine, manifesté son souhait d’être assisté par un conseiller, lequel ayant indiqué qu’il ne pourrait pas être présent à la date initiale de l’entretien préalable en raison du confinement (CA Amiens 29-6-2022 no 21/04313).
• L’employeur a insuffisamment évalué et prévenu les risques pesant sur la santé d’un salarié du fait de la réorganisation de l’entreprise, ce qui a causé à ce dernier un préjudice distinct de celui résultant du harcèlement moral subi, dès lors que ces agissements de harcèlement se sont inscrits dans le contexte du profond bouleversement des pratiques professionnelles de l’intéressé qui a accompagné l’intégration de la société qui l’avait recruté à une société qui l’a absorbée. Le salarié, recruté peu avant que cette intégration ne soit effective pour animer l’équipe, a lui-même reconnu qu’il a mis en oeuvre de nombreux changements pour rendre l’organisation, jugée incohérente et archaïque, conforme à celle de la société absorbante. Aucune étude d’impact de la fusion n’a été réalisée par les instances représentatives du personnel avant la reprise, alors que certains salariés de la société absorbée avaient une ancienneté importante avec des habitudes de travail très ancrées ce qui majorait les risques de difficultés d’adaptation et de dégradation des conditions de travail, risques qui auraient dû être évalués et anticipés. Le processus d’intégration a généré des signalements et témoignages de souffrance au travail de la part de plusieurs salariés, dont l’intéressé, mais la seule mesure d’aide et d’accompagnement de celui-ci à cette intégration a consisté en l’organisation d’une session de formation en informatique sur une journée. Dès lors, le préjudice du salarié doit être indemnisé à hauteur de 3 000 € (CA Amiens 30-6-2022 no 21/01803).
Durée du travail
• Il revient à l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de fixer les horaires de travail. En conséquence, le salarié ne pouvait pas, sans accord exprès de l’employeur, décaler de sa propre initiative ses horaires journaliers avec pour effet de modifier les heures d’ouverture et de fermeture de la société. Toutefois, il ressort des pièces produites que cet état de fait était effectif depuis plusieurs mois sans que la société ne verse de pièce de nature à établir son opposition à des horaires présentés même sur la page internet de la société pour la prise de rendez-vous, pas plus qu’elle ne démontre de lien entre la modification horaire et la baisse du chiffre d’affaires. Il s’ensuit que le non respect des horaires de travail invoqué, limité à un décalage horaire sans réduction du temps de travail, ne revêt pas de caractère fautif (CA Aix-en-Provence 7-7-2022 no 19/07227).
Prime et rémunération variable
• Il résulte du Code monétaire et financier que le montant total de la rémunération variable du salarié d’un établissement de crédit peut, en tout ou partie, être réduit ou donner lieu à restitution en fonction de ses agissements ou de son comportement, et notamment d’un défaut de respect des exigences d’honorabilité et de compétence. La décision de ne pas attribuer une rémunération supplémentaire à un salarié en considération de son comportement estimé non satisfaisant du point de vue qualitatif ne constitue pas une sanction pécuniaire, qui serait prohibée, et ne caractérise pas une rupture d’égalité entre les salariés, étant justifiée par des faits objectifs. Ne caractérise pas le défaut de respect des exigences d’honorabilité prévu par les dispositions légales le comportement inapproprié d’un salarié à l’égard de ses collaboratrices, constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais qui ne peut pas être qualifié de harcèlement sexuel. Dès lors, l’employeur ne pouvait pas refuser de verser à l’intéressé sa rémunération variable différée (CA Versailles 6-7-2022 no 20/01052).
• Les usages sont caractérisés par la réunion des caractères de généralité, de fixité et de constance de l’avantage reconnu aux salariés. Ainsi l’usage est établi lorsque l’avantage accordé concerne tout le personnel ou toute une catégorie du personnel. Le salarié qui ne produit que ses propres bulletins de paie n’établit pas que la prime qui figure sur ces derniers bénéficiait aux autres salariés ou à tout le moins aux salariés de la même catégorie que lui ou placés dans une situation identique. La preuve de la généralité de la prime n’est donc pas rapportée. Le salarié n’ayant pas non plus établi que le versement de cette prime est un engagement unilatéral de l’employeur, faute d’invoquer et de justifier de l’acte ou du document qui formaliserait de manière impérative pour l’employeur son versement, la preuve d’un usage ou d’un engagement unilatéral opposable à la société n’est pas rapportée (CA Amiens 30-6-2022 no 21/01803).
Licenciement
• Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement économique d’un manager motivé par la nécessité d’une « redynamisation de l’activité et de la compétitivité de l’entreprise », la lettre de rupture invoquant la nécessité d’une présence plus importante de l’intéressé auprès de ses équipes et son refus de réintégrer le siège de l’entreprise de manière permanente. Or, un accord était intervenu entre les parties 3 mois avant le licenciement sur de nouvelles modalités d’exercice du travail, impliquant une présence accrue de l’intéressé, domicilié en province, au siège parisien de l’entreprise, et de remboursement de ses frais. En effet, le salarié était présent au siège du lundi en fin de matinée jusqu’au vendredi en début d’après-midi. Il est exact que la question de l’organisation de l’entreprise relève de ses choix stratégiques mais il n’est pas justifié en quoi une présence supplémentaire du salarié sur les deux demi-journées concernées était de nature à sauvegarder sa compétitivité, ce qui est l’objet du litige. Il apparaît qu’en réalité le débat qui opposait les parties tenait aux coûts induits par la présence du salarié au siège de l’entreprise. Or, l’employeur n’explique pas en quoi la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise justifiait, 3 mois après la signature d’un avenant au contrat de travail, une nouvelle organisation (CA Toulouse 8-7-2022 no 21/00403).
• Présente un caractère vexatoire justifiant l’allocation de dommages et intérêts distincts de ceux alloués pour non-respect de la procédure de licenciement, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié ayant 19 ans d’ancienneté, notifié sans entretien préalable, à effet immédiat avec dispense de préavis alors qu’il avait encore des contrats en cours, l’intéressé s’étant vu priver immédiatement de son ordinateur et de son téléphone professionnels sans avoir eu le temps de récupérer ses données personnelles, et n’ayant pas été autorisé à revenir dans l’entreprise pour un rendez-vous avec un technicien informatique afin de récupérer celles-ci (alors que la récupération des données sous le contrôle d’un technicien informatique aurait été sans risque de préjudice pour l’entreprise), à la place d’un tel rendez-vous, l’employeur lui ayant demandé par lettre de communiquer le code PIN et le modèle de déverrouillage de son téléphone professionnel afin de lui restituer ses données personnelles sous la menace de réinitialisation de l’appareil avec perte des données, ce qui implique que l’employeur aurait eu accès à celles-ci (CA Paris 22-6-2022 no 18/12651).
• Pour faire cesser la situation résultant de la violation manifeste de sa clause de non-concurrence par un salarié sur le fondement des articles R 1455-6 comme R 1455-5 du Code du travail, le juge des référés peut ordonner à une salariée, infirmière pour une entreprise de soins à domicile, de mettre fin à toute activité contraire à la clause de non-concurrence stipulée au bénéfice de son ancien employeur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de rembourser à titre provisionnel la contrepartie financière de la clause de non-concurrence indûment perçue (CA Riom 24-5-2022 no 21/02240).
• Le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, même s’il est saisi dans le cadre d’un litige lié à la rupture du contrat de travail sur le fondement de l’article L 1235-1 du Code du travail, conserve une compétence d’ordre général pour régler tout différend né à l’occasion du contrat de travail. Ainsi, dès lors que les parties ont précisé dans le procès-verbal de conciliation que leur « accord vaut renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail », elles ont reconnu que leurs concessions réciproques incluaient bien la clause de non-concurrence. En effet, si la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence n’est pas une indemnité relative à la rupture du contrat, une action en paiement de celle-ci est, par nature, une réclamation relative à la rupture du contrat, une telle clause n’étant applicable qu’à la suite de celle-ci (CA Paris 22-6-2022 no 21/00102).
• Une salariée doit indemniser le préjudice de l’employeur en cas de restitution tardive de son véhicule de fonction après la rupture de son contrat de travail correspondant aux loyers hors taxes supportés par l’employeur à partir de la date où la salariée en a été informée, c’est-à-dire la date de réception de la mise en demeure de restituer le matériel (CA Paris 25-5-2022 no 19/08736).
Absences et congés
• Par application des dispositions de l’article L 3141-5 du Code du travail, sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé les périodes, dans la limite ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Le salarié victime d’un infarctus du myocarde et placé pour cette raison en arrêt de travail jusqu’à son licenciement a donc droit à des congés payés pour cette période de suspension de son contrat de travail dès lors que, si la CPAM a, dans un premier temps, refusé de reconnaître le caractère professionnel de l’infarctus, elle a pris une décision contraire plus de 6 mois après la rupture du contrat de travail et que la suspension de celui-ci avait pour cause cet accident du travail. Il importe peu, en effet, que la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident soit intervenue postérieurement au licenciement et qu’une contestation par l’employeur de cette décision soit en cours devant le juge judiciaire (CA Amiens 30-6-2022 no 21/01803).